Dans mon enquête sur la Flandre, territoire des sadiques, je fus donc amené à rencontrer une assistante de justice. Voici comment ça se passa :
La Gardienne

J’arrivai en retard. Elle arriva encore plus en retard. Elle m’invita dans une salle froide peu insonorisée. Elle était vraiment pas intéressante mais par contre faisait du mieux qu’elle pouvait avec humilité pour que la barrière linguistique ne soit pas un obstacle. Elle s’adaptait en anglais & en néerlandais.
Très curieux et testant sa sociabilité, je lui montrai deux-trois projets en ligne. Elle était sympathique. Lorsque je lui demandai à quoi correspondaient les travaux de nos jours, elle me dit qu’elle allait regarder. Qu’elle attendait « la liste ». Je pensais qu’elle était connectée en direct avec la plupart des agendas et qu’elle attendait la réponse de ses partenaires. Respectueusement, j’attendis. Elle me parla de plein de choses inutiles et annexes qui m’ennuyèrent atrocement. Du coup je redemandai quel était le genre de travaux, plusieurs fois, elle répondit presque agacée : « j’attends la liste, j’y viens ».
40 minutes après une montagne de détails inintéressants, s’ouvrit enfin le seul volet qui en valait le détour. Les choix. Je me vu proposé la magnifique opportunité de travailler à la déchetterie communale. Assister au tri des déchets. Travailler à nettoyer le poste de police (ah bah bien sûr). Ou bien assister à l’installation lors de fêtes municipales. Encore moins. Pas envie de voir des bourges qui se croient supérieurs. Me restait l’option de me retrouver en pleine nature.
Apparemment, il s’agirait de faire du râteau et quelques petits trucs à longueur de journée. Parfait! L’occasion pour moi d’inspecter discrètement cette mentalité tant secrète en toute sérénité. La nature, mon élément.
40 minutes d’inutilité. 2 minutes de choix. 2 minutes de productivité qui auraient pu être réglées autrement. Donnez-moi le même travail, je ferai mieux.
Je la revis une fois par hasard sur place. Elle était arrivée sur un vélo qui ressemblait à un char qui la dénuait de toute élégance. Je la saluai respectueusement et elle me servit un sourire Colgate digne d’une amnésique éperdue en me disant « Success ».
En route!
Fréquenter le Gardien de la Nature, ça va c’est sympa. Je l’appelle Buffdozer. De 8h jusqu’au soir, il ne s’arrête pas. D’ou sort-il son énergie, je ne sais pas.
Ma première journée avec lui fut de découvrir qu’il fallait déterrer de la nature une variété de pousse envahissante qui absorbait l’eau et était négative pour l’écosystème. C’était nul. Les gens coéquipiers avaient l’air malade & rabougri. Peu d’expressivité, beaucoup de boucan lors des pauses. Sur place, peu de place à l’apprentissage. De retour dans une société qui s’amuse à vous saturer le mental et vous pousser dans l’ennui existentiel pour vous déstabiliser.
Buffdozer c’est aussi un bon modèle de virilité flamande. Les poils jaillissant sans pudeur, le t-shirt noyé de transpiration, de crasse et aucune gêne. Des sapins habillés en short et bottes et avec une assurance désarmante.
Deuxième jour, je le découvre armé de son arme de prédilection : la tronçonneuse. Et c’est dire qu’il pourrait participer à des compétitions. Pendant des heures vous l’entendez remanier les buissons comme Ratcliffe.

Donnez-lui l’Amazonie, il n’en restera rien.
Vous croyez qu’il va s’arrêter pour reprendre son souffle ou admirer son travail? Que nenni. Un artiste ratiboiseur.
L’aventure
Le deuxième jour consistait à rassembler les résidus dans un verger. A peine arrivé que je découvris les employés se cacher dans un corridor secret. Moi qui m’attendais à de la rigueur militaire, je tombais de haut. Ceux-ci levaient même les bras au ciel pour les pauses. Un black choissait expressément les buissons ombrés pour se faire oublier du regard de Buffdozer. Malin le singe.
Qu’ai-je appris?
A reconnaitre la plume d’une buse. A constater que les grenouilles peuvent vivre loin des mares. Qu’elles sont parfois comme des écureuils. Elles se promènent là ou tu ne t’y attends pas. Que ça fait beaucoup d’argent pour « rendre les bois jolis ».
En Flandre, outre de se faire doubler par des grand-mères en vélo qui vous snobent, on peut aussi découvrir des « k-soc » tout classe. Un coéquipier était sans dent et c’était tout naturel. En Wallonie vous ne voyez pas ça.
Que les gens sont plus malades qu’on ne le pense. Que la Flandre aime cacher cet état des gens.
Que la Flandre est impitoyable, s’amuse de sadisme. Que la communication fonctionne dans un sens.
La Flandre aime jouer avec l’ignorance des gens. Jouer avec ce qu’ils ne savent pas pour endurcir.
Une leçon sur le sadisme flamand. La Flandre préfère le sadisme à la recherche de solution. Ce travail est-il encadré de solution ou de propositions d’encadrement psychologique ? Non. Ne subsiste que la sanction.
Au final, peu d’apprentissage. Peu de perspectives d’évolution. Peu de procédés élévateurs de l’esprit.
Surprise !
Et faire ce genre de travail s’est révélé bien différent de ce que je m’attendais. Déjà les gens sont malades, finalement c’est 11h de disponibilité. 1h pour aller, 8h30+1h de retour soit 10h30. Tu multiplies par 8 jours, t’as pratiquement 88h au lieu des 60h initiales.
Les autres surprises sont l’état mental des gens. Inertes. Axés sur le professionnel certes. Mais inertes. Leur développement personnel dans leur vie privée semble bien compliquée. La Flandre semble tirer des gens malades. Car ils sont plus vulnérables et plus docile pour être « esclavagisés ».
Dans les surprises complémentaires, il y a aussi l’excédent de travail. Le travail consiste souvent à déplacer des tronçons d’arbres pendant plusieurs heures.
Et encore plus surprenant. Pour ce genre d’emploi. Aucune toilette. Contrairement aux militaires en mission ou aux maçons qui ont leur « Dixi », ceux-ci n’ont aucune toilette et doivent aligner leur digestion avec.
Ou sont les sous?
Une autre question qui me taraude est… ou sont les sous? Même 1 centime, même 1€. Pourquoi le travail est gratuit? En prison, les prisonniers qui « travaillent » touchent 2€/heure. Pourquoi la personne qui fait des travaux d’intérêt généraux est interdite de toucher quoi que ce soit? Au final, c’est une forme d’esclavagisme temporaire non? Ca ne me dérange pas, mais les notions doivent être claires.
Certes, c’est un travail supposé faire réfléchir à ses actes, à ce qui a motivé et à remettre en question sur ce qu’il y a à faire pour s’intégrer. C’est par le châtiment que la remise en question est supposée s’activer.
Mais pourquoi démunir les gens qui s’y rendent. Pourquoi le travail d’intérêt général est-il privé de tout défraiement dans une société en inflation? Pourquoi priver de quelconque défraiement? De quelconque moyen de vivre. De subsistance. Ni même valoriser la valeur du travail « et de la rémunération ».
La dette sociale
Lorsque tu fais un travail d’intérêt général, tu es supposé « payer ta dette envers la société ». Tu te rachètes via le travail. Mais si tu es déjà victime de la société? Doublement. Mais si c’est la maltraitance sociale due à l’oppression du capitalisme, oppresseur de la plupart des libertés qui t’as mis dans cette situation. Si c’est la société qui a une dette envers toi?
Car le capitalisme, c’est tout retirer, tout industrialiser, faire en sorte que la moindre des libertés soit à payer. « Bientôt faire l’amour sera payant » – disait ma grand-mère. La moindre des libertés constitue un produit à commercialiser. Et il n’y a presque que le web qui est devenu une forme de liberté.
Si c’est le capitalisme qui a trop d’importance sur la société au point de vous enfermer chez vous dans un état psychologique lamentable car vous n’appréciez pas ce monde entravé de toute part.
Si le capitalisme est à la source des problèmes qui ont déteint en condamnation juridique, en quoi dois-tu payer une dette? Si le capitalisme n’a pu offrir un travail respectueux de ton équilibre psychologique, te permettant une vie exploitée à hauteur de ton intelligence et respectueuse de ton bien-être, en quoi es-tu coupable ?
Marché de l’emploi
En Belgique
Le travail forcé alors?
Bah oui, le travail forcé devrait exister littéralement. Pourquoi dénigrer un concept qui existe déjà ?
Beaucoup de gens travaillent alors qu’ils n’en ont pas envie. Parce qu’ils y sont forcés par l’inflation et les besoins familiaux. Même s’ils sont malades. D’ailleurs la Flandre veut remettre plein d’invalides au travail.
Retour à la définition
Le but d’un travail d’intérêt général est de « payer à la société » ce que « tu lui dois » sous cette forme.
J’entends les amoureux sadiques de la justice annoncer que « c’est éviter pire! ». Mais au final quelle leçon?
Comment la personne punie peut-elle en tirer quelque chose de positif si elle est déjà punie par la société et doublement dans ce genre de procédé qui ne fait pas « élever l’esprit ».
Les indispensables
Les caissières n’ont pas pu se réveiller et les doubleurs de voix se lamentent de voir leur boulot bientôt remplacés par des intelligences artificielles.
Le boulot de l’assistante de justice peut être conditionné et une partie remplacé par des intelligences artificielles. Le contact humain n’a servi a rien, les informations essentielles et indispensables sont paresseusement partagées et enrobées derrière un sadisme peu assumé.
Les intelligences artificielles ne peuvent escalader un arbre avec une tronçonneuse sur perche pour aller scier des branches risquant de tomber.
Au final un Buffdozer, travaillant à l’huile de coude, dans la nature pendant 8h, rends le monde plus beau et sécurisé.
L’intelligence artificielle devrait être